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Transat – Saison 3

Publié le 24 janvier 2022

Récit écrit au fil des jours de notre transat aller 2022.

Jour 1 et 2 (2/01 et 3/01)
Partis de Santa Cruz de Tenerife le Dimanche 2 Janvier 2022 à 10 heures, nous avons longé, au moteur, la côte de l’île jusqu’au soir.

Le Teide au départ de Tenerife

Les Canaries étaient pris dans une bulle anticyclonique et nous avons du garder le moteur jusqu’à 1 heure du matin (3/01) avant de toucher du vent et nous mettre à la voile. Après une période météorologiquement compliquée fin Décembre, les choses ont semblé rentrer dans l’ordre avec, au moment du départ, des vents de Nord-Est sous les Canaries, une zone de molle prévue à l’ouest du Cap-Vert, puis un flux d’alizé ensuite. Donc, avec 15 nds de NE, génois tangonné et GV s’était parti, 6.5 Nds au Cap 225.

Jour 3 (4/01)
Dans la journée, le vent est monté progressivement pour s’établir à 20/25 nds avec une mer de circonstance (2 à 3 mètres). Quelques tours sur l’enrouleur de génois pour l’aplatir et éviter qu’il ne « claque » dans la houle, et 2 ris dans la GV, le passage dans la mer est fluide malgré un roulis pendulaire insistant. Avec une vitesse de l’ordre de 7/8 nds et un cap au 245 nous progressons bien.

Jour 4 (5/01)
Les conditions restent identiques et même si le bateau passe bien dans la mer, c’est le moment où l’on se demande ce que l’on est venu « foutre » là. La fatigue commence à se faire sentir, le sommeil est difficile à trouver et chaque geste de la vie à bord devient une épreuve. Ce sont les premiers verres cassés et les bols renversés. Les premiers jours d’une navigation de plusieurs semaines, surtout si les conditions sont un peu rugueuses, sont souvent éprouvants (enfin pour moi). Et encore, je n’ose imaginer l’enfer que doivent vivre des couples (mais surtout les femmes) qui naviguent avec des enfants qu’il faut nourrir, occuper et éduquer. et ceux qui embarquent des ados privés de réseau. Cela me donne l’envie de relire « Rôle de plaisance » de Jacques Perret.

Jour 5 (6/01)
Mêmes conditions. Ceux qui savent appellent ça la résilience mais ça signifie simplement que l’on s’habitue à tout, même à l’inconfort et que c’est pour ça qu’on semble oublier et qu’on y revient.

Jour 6 (7/01)
Toujours les mêmes conditions avec le même plan de voilure, génois réduit tangonné et GV sous 2 ris. Nous faisons route vers le point 20N, 30W afin de descendre rapidement vers les alizés et éviter la zone de calme à l’ouest du Cap-Vert. D’un jour sur l’autre, de midi à midi, nous parcourons 175/180 milles ce qui nous rapproche de la pointe sud de la Martinique de plus de 150 milles chaque jour. D’après les fichiers, le vent devrait faiblir les jours prochains mais il n’est pas exclu que nous abordions une zone de grains.

Jour 7 (8/01)
Comme prévu, les grains sont arrivés dans la nuit. Ceux-ci arrivent de l’arrière et génèrent, en plus d’une forte pluie, un changement de la direction et de la force du vent. Il faut donc rester attentif car avec des rafales à plus de 30Nds, un empannage pourrait être désastreux. Au petit matin le vent est passé sous les 20 nds et nous avons pu libérer les ris. La mer s’est également légèrement apaisée et nous avons vu nos premiers vols de poissons-volants. En fin de journée, comme le risque de grains persistait, nous avons repris un ris préventif afin d’aborder la nuit plus sereinement.

Jour 8 (9/01)
La zone anticyclonique à l’ouest du Cap Vert est en place et en l’approchant, le vent baisse. Par contre, la mer est toujours bien formée et avec 15 Nds de vent arrière et les voiles en ciseaux, le roulis et le claquement des voiles sont vraiment insupportables. Quitte à perdre du cap, nous nous mettons grand largue tribord amure, plein ouest. Le confort et la vitesse y gagne mais le cap est dégradé. Ce n’est pas très grave car de toute façon, nous allons à l’Ouest.

Jour 9 (10/01)
Chaque matin depuis 2 jours, c’est moisson de poissons volants sur le pont. Le vent continue de baisser (10/12 nds) mais nous retangonnons sur l’autre bord pour reprendre un cap convenable. La mer s’est un peu assagie mais les voiles claquent encore un peu. La vitesse s’établit autour de 4 nds. Par chance, le vent reprend un peu de vigueur, les voiles se gonflent et nous reprenons une vitesse de 6/7 nds, cap au 250. Nous visons le point 18N/40W pour nous dégager de la zone de calme. Il n’est pas exclu que nous soyions contraints à quelques heures de moteur les prochains jours.
Ce matin j’ai remplacé la balancine de bôme qui s’était rompue (heureusement sans qu’elle s’échappe du réa de tête de mât) et cet après-midi, j’ai remis en état la fixation de l’hydrogénérateur qui s’était desarticulé (vu à temps).

Jour 10 (11/01)
Après une nuit à surveiller les grains, le vent continue de mollir. La mer s’est aplatie mais nous avons du mal à tenir les 4 Nds. D’après les fichiers, il semble que le vent reste faible sur la zone jusqu’à la fin de la semaine et qu’il faille atteindre 45°de longitude pour retrouver un nouveau souffle. En fin de journée, le vent tombe complètement. Compte tenu de notre autonomie en gazole, laquelle nous assurait au départ 100 heures de marche, nous décidons de mettre le moteur pour un maximum de 15 heures (nous avons déjà consommé 15 heures au départ de Tenerife).

Jour 11 (12/01)
Au matin, quelques vaguelettes rident l’océan, sur le travers arrière tribord. Nous envoyons le genaker et pour qu’il porte bien, affalons complètement la grand-voile.
Nous marchons toute la journée aux alentours de 3.5 nds, cap sur la Martinique (qui est encore à plus de 1200 milles). Compte tenu des prévisions météo, pour les quelques jours à venir, nous décidons de rester à la voile durant les journées (quelque soit la vitesse et le cap à tenir) et de faire 10 heures de moteur la nuit, si la vitesse tombe sous 3 nds. Dans ces conditions, nous avons remonté l’hydrogénérateur et sorti le panneau solaire. Il charge bien, d’autant que le pilote automatique consomme moins, mais les heures de soleil sont limités car les nuits sous ces latitudes, comme chante un certain*, sont longues à devenir demain.
*J’attends vos réponses dans les commentaires

Jour 12 (13/01)
En application de la résolution prise la veille, comme le vent tombe, nous remettons le moteur vers minuit pour le reste de la nuit. Conformément à la consigne, nous le coupons à 10 heures mais comme toute résolution prise début janvier n’a qu’une valeur relative, en l’absence de vent, nous l’oublions et remettons le moteur en marche à midi. Selon les fichiers météo, il semble que la zone de vent soit devant nous et que nous la toucherons la nuit prochaine. Il semble également que ce flux de NE se maintienne ensuite. Durant la journée, nous croisons 2 baleines mais l’absence de vent a suspendu l’activité des poissons volants.

Jour 13 (14/01)
Après avoir fait plusieurs tentatives pour revenir à la voile, nous coupons le moteur à 5 heures du matin. Dans la nuit, nous avons eu un contact VHF avec le voilier américain « Courageous ». Nous naviguons sous GV seule jusqu’au lever du jour (10 h TU) puis tangonnons le génois. Si les fichiers sont fiables, ce devrait rester notre configuration de voiles pour quelques jours. Durant la journée, le vent n’est pas stable et les périodes à 8 nds alternent avec des moments où il monte à 18 nds. A 19 heures, notre GPS indique que nous sommes à 1000 milles de la Pointe des Salines, au sud de la Martinique.

Jour 14 (15/01)
le vent semble maintenant établi et nous n’avons plus à nous soucier de l’autonomie moteur. Nous marchons toujours voiles en ciseaux mais les grains nous imposent des changements de cap. En effet, s’il n’y a pas ou peu de survente, la proximité des nuages à grains fait parfois varier l’orientation des vents de plus de 30°. Pour garder un cap cohérent avec notre route, nous sommes contraints à de fréquents empannages. Le ciel reste couvert toute la journée mais en soirée, en quelques minutes, tout s’éclaircit et la nuit devient magique (instant lyrique)

Jour 15 (16/01)
Après une nuit comme il n’en existe que dans les brochures pour croisiéristes (pleine lune,voute étoilée, mer plate et vent portant) nous retrouvons au matin les conditions de la veille avec une mer formée et des vents variables, avec grains, qui nous imposent de fréquentes réductions de voilure. Les vols de poissons volants ont repris et nous commençons à voir quelques bancs de sargasses, dispersés par la mer et le vent. La nuit à venir semble de même nature.

Jour 16 (17/01)
Au cours de la nuit, nous remarquons que le vérin du pilote automatique semble forcer et qu’il rend une plainte qui ne laisse augurer rien de bon pour son avenir.
Au matin, force est de constater qu’il ne dispose plus de la puissance nécessaire à barrer le bateau. Le démontage du vérin laisse apparaitre que la courroie et le pignon d’entrainement sont usés, mais le bras ne semble pas en meilleur état. A tout hasard et sans conviction je remplace la courroie par une neuve, mais, sans surprise, le miracle ne se produit pas. L’idée de devoir barrer les 600 milles restant n’étant pas réjouissante, malgré la mer formée de l’arrière, une fois de plus nous avons recours au régulateur d’allure. Sitôt mis en place, et après quelques tatonnements pour le réglage des drosses et de l’aérien, nous reprenons notre route vers les Antilles. Comme le vent s’oriente maintenant plein Est, nous pensons laisser porter jusqu’à environ 300 milles des îles, et faire ensuite un cap plus ferme vers la Martinique. Toute la journée nous naviguons à proximité du voilier allemand de 45 mètres « Thor Heyerdahl » avec qui nous avons un contact VHF. Le ciel est toujours couvert et les grains fréquents.

Jour 17 (18/01)
La vie s’installe dans la régularité des alizés, mer formée, train de cumulus dans un ciel clair le jour, lequel se charge en soirée pour assurer les grains de la nuit et du lendemain matin, et bien sûr, ballets de poissons-volants donc nous faisons la récolte chaque matin sur la pont.

Jour 18 (19/01)
Au matin, nous sommes à 14° de latitude, soit 30 milles sous la latitude de la pointe sud de la Martinique dont nous sommes à 300 milles à 12 heures. Nous detangonnons et repartons grand largue, tribord amure vers notre destination. Le régulateur assure et nous nous étonnons de ne pas faire appel à lui plus souvent. Sans pilote et sans frigo (car les produits frais ont été consommés), il n’y a plus de problème d’énergie et l’éolienne et le petit panneau solaire suffisent amplement à alimenter l’électronique et l’éclairage du bord. Comme quoi, nul n’est à l’abri du conformisme et de sa forme la plus aboutie, le panurgisme. Dans la journée, nous croisons la route du voilier GDD, qui participe à une régate entre Lanzarote et Grenade. Selon les fichiers de vent, il semble que les alizés restent stables et modérés les jours à venir. En soirée, nous retangonnons pour faire enfin un cap direct sur la Martinique.

Jour 19 (20/01)
C’est sans doute notre dernière journée en mer. A l’approche des îles le vent semble forcir et nous avons fréquement des périodes à plus de 30 Nds. De même, comme la houle est plus abrupte, la marche du bateau requiere toute notre attention. Sous génois tangonné, notre latitude de cap est limité et à quelques reprises, bousculé par une vague plus puissante, nous devons reprendre la barre pour remettre le bateau sur son cap et éviter qu’une des voiles ne se gonfle à contre. Le vent d’Est qui devait nous porter jusqu’au Marin a tourné Nord-Est et nous n’arrivons plus, avec notre configuration en ciseaux à remonter vers la Martinique. A 18h30, il nous reste 100 milles. A 40 milles du but, nous roulons le génois et mettons le cap au Nord-Ouest, sous Grand-Voile seule, vers le Marin

Le 21 Janvier à 9h30, nous sommes mouillés dans la baie de Ste Anne.

Nous avons parcouru au loch: 2788 milles, soit environ 150 milles de plus que la route directe. Compte tenu de l’absence de vent au départ des Canaries et de la présence d’une large bulle anticyclonique la 2ème semaine, nous avons fait 55 heures de moteur. Hormis le pilote, nous n’avons pas connu d’autre avarie. Une petite liste de travaux nous attend toutefois pour les jours à venir mais il ne s’agit que d’amélioration et de remplacement dus à une usure normale.
Concernant le pilote, on peut également penser que sa panne résulte d’une usure normale car, installé neuf en 2011, il a barré seul, sans sourciller, durant 37 500 milles, dont 5 traversées de l’Atlantique.

Commentaires de l'article Transat – Saison 3

  • Nacach Didier dit :

    Hello hello les amis
    Quelles sont les nouvelles ?
    Blog pas très à jour …
    On vit au rythme des Antilles ??

  • Manihi dit :

    Pensons bien à vous… j’espère que vous allez vous reposer quelques jours après cette traversée un peu secouée. Bibis à la Martinique et à vous Annie et Gérard

  • PinoK dit :

    Donc le président avait tort: les poissons volants, c’est bien la majorité du genre…

  • Berthod dit :

    Belle transat , bravo
    On s’est rencontré en Martinique ( JPaul et Emanuèle, voilier Apache ) lors de votre dernière transat avec Florence et Bruno en 2020, on guette leur arrivée, avez-vous de leurs nouvelles ???
    Bon vent à vous et bon séjour au soleil

  • Didier Nacach dit :

    Assez sportif cette traversée
    Tout au moins la première semaine
    Détente bien méritée maintenant
    Pour les nuits longues à devenir demain, ne serait-ce pas un certain Brel ? Merci Google…

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