Navigation astronomique
Publié le 14 novembre 2019Quand on a tiré ses premiers bords à la fin des années 70 et que l’on est venu à la voile par la lecture des récits de Moitessier et de Damien, on est parfois nostalgique d’une époque révolue.
En ces temps, des marins d’exception ont écrit les plus belles pages de la voile en naviguant sur des bateaux qui n’avaient ni enrouleur, ni GPS, ni radar, ni dessalinisateur, ni liaison satellite.
Notre premier voilier (en bois) était ainsi conforme au standard de l’époque avec un jeu de voiles d’avant à mousquetons et, lors des navigations en Méditerranée, une gonio pour préciser l’estime. Pour les convoyages en Atlantique, c’était le sextant. Puis le Loran C est apparu (nous naviguions en Méditerranée) et le GPS a suivi. La gonio est devenue obsolète et le sextant est rentré dans sa boîte.
Alors bien sûr, on ne va pas remonter le temps car les équipements actuels, en plus d’améliorer la sécurité, donnent un sens nouveau et souvent passionnant à la navigation, mais, pour ne pas rester dans une attitude de nostalgie stérile, nous avons décidé de ressortir le sextant de sa boîte pour la traversée de l’Atlantique. Nous allons donc tracer notre route en suivant le soleil, et éventuellement les étoiles. Il semble que ce besoin soit dans l’air du temps car des régates « vintage » s’organisent et des marins chevronnés éprouvent le désir de naviguer à nouveau « à l’ancienne ».
C’est donc l’occasion d’aborder ici, succinctement, quelques notions de navigation astronomique en espérant donner envie à ceux qui nous liront.
En tout premier lieu, il faut définir le matériel nécessaire à la navigation astronomique:
Le Sextant: compte tenu de la précision recherchée sur un voilier en navigation hauturière, un modèle de base suffira. Le notre est un modèle Yacht de chez Freiberger qui dans de bonnes conditions a une précision de l’ordre du mille. On trouve des sextants en plastique (EBBCO ou Davis) à un prix modique qui donne une précision supérieure aux astrolabes avec lesquels Christophe Colomb a trouvé l’Amérique.
La Montre: une simple montre bracelet à quartz fera l’affaire, à condition qu’elle soit suffisamment précise et que l’on connaisse sa marche (l’évolution de son erreur dans le temps). La terre tournant sur elle même de 15° par heure, une erreur de 4 secondes sur le temps implique 1 mille d’erreur sur la position. Pour avoir une heure précise, on peut tricher en utilisant l’heure du GPS mais ce n’est pas dans l’esprit de ce que nous recherchons.
Les Ephémérides: Elles sont éditées chaque année et donnent la position des astres pour chaque jour et chaque heure de l’année. Pour notre part nous utilisons les éphémérides que l’on peut télécharger gratuitement sur le site de NAVASTRO. Elles donnent les coordonnées du soleil et des étoiles, pour chaque jour à 0 heure, et il suffit ensuite d’interpoler à l’heure que l’on désire.
Les tables de navigation: Le mouvement des astres étant régi par des lois mathématiques, on peut résoudre les équations en ressuscitant Bouvart et Ratinet (référence pour initié scolarisé dans les années 70) mais il est plus simple d’utiliser des tables de navigation. Dans les années 70, Moitessier régnant sur les consciences, les navigateurs utilisaient les tables américaines HO 249, mais elles sont passées de mode car chères et encombrantes. Pour notre part, nous utilisons un petit fascicule avec les tables de Dieumegard, pour calculer la hauteur du soleil (ou de l’étoile), et de Bataille, pour calculer l’azimut. La précision (l’erreur) du calcul avec ces tables est inférieure à un mille. Nous avons la chance d’avoir encore à bord les Canevas (grilles de calculs) jadis vendus par Plastimo.
On peut également utiliser une calculatrice. Dans les années 80 nous utilisions une Tamaya NC77, mais si l’on en a les compétences, on peut programmer une simple calculatrice (qui possède les fonctions trigonométriques). NAVASTRO commercialise une Casio pré-programmée. Avec un ordinateur à bord, on peut télécharger un logiciel de navigation (toujours chez NAVASTRO) qui se charge des calculs et détermine le point astro, mais c’est moins amusant. Avec une calculatrice, l’erreur se limite à l’imprécision des mesures (hauteur et temps).
Les feuilles de navigation universelles: ce sont les feuilles sur lesquelles on trace sa route. Elles sont universelles car on trace les méridiens, selon ses besoins, en fonction de sa latitude.
Ensuite, il faut aborder quelques notions élémentaires d’astronomie. Pour déterminer les coordonnées du soleil à l’instant de la mesure, nous devons connaitre sa position dans le plan de l’équateur céleste, c’est l’angle horaire (AHvg), et sa hauteur par rapport à celui-ci.
Compté à partir du méridien de notre position, l’angle horaire (AHvg) se calcule aisément à partir des éphémérides. Celles-ci donnant l’angle horaire (AHvo) par rapport au méridien de Greenwich on trouve l’angle horaire à la position estimée en ajoutant ou retranchant G selon que l’on est à l’Est ou à l’Ouest du méridien de référence.
Puis, comme la hauteur du soleil sur l’horizon dépend de notre latitude (que nous allons cherché à déterminer), de l’heure (que nous connaissons) et de sa déclinaison, il faut réduire le nombre d’inconnues en calculant cette dernière avec les éphémérides. Comme la terre tourne autour du soleil en une année et qu’elle est inclinée de 23°28′, la déclinaison oscille au Nord et au Sud de l’équateur au cours de sa rotation. Les éphémérides permettent de calculer la valeur de la déclinaison à chaque instant.
Une fois AHvg et D calculés, il ne reste plus qu’à entrer dans les tables pour déterminer la hauteur du soleil et son azimut. Le principe de la navigation astronomique consiste à comparer la hauteur réelle du soleil, mesurée au sextant, avec la hauteur calculée pour la position estimée.
Pour faire le point, on utilise le principe des droites de hauteur. A la surface de la terre, les points d’où l’on relève le soleil à la même hauteur (h) se trouve sur un très grand cercle dont le centre est à sa verticale. Sa courbure étant faible pour la zone où nous estimons être, elle peut être assimilée à une droite, perpendiculaire à l’azimut du soleil. L’opération consiste donc à mesurer la hauteur du soleil, au lieu où l’on se trouve effectivement, et à la comparer avec celle calculée, avec les tables, pour le point estimée. La différence entre les deux résultats est l’intercept. La droite se porte vers le soleil si la hauteur mesurée est supérieure à la hauteur calculée, et à l’opposé dans le cas contraire.
Ainsi, on sait que l’on se trouve quelque part sur la droite de hauteur (portion du grand cercle d’où l’on observe le soleil à la même hauteur). Pour avoir un point précis, il faut faire une autre observation, quelques heures plus tard quand l’azimut du soleil a franchement changé, et tracer une autre droite de hauteur. Le point d’intersection des 2 droites donne la position. Si l’on s’est déplacé entre les 2 observations (ce qui est généralement le cas), on fait glisser la première droite selon la distance et le cap suivi, et l’on utilise le nouveau point déterminatif comme position estimée pour la seconde observation
Cependant, selon sa route, on peut se contenter de connaitre sa latitude ou sa longitude quand le soleil culmine à la verticale de notre méridien. Par exemple, si l’on fait route au Sud, en partant des Canaries vers le cap Vert et que l’on veut connaitre sa progression, on mesure la hauteur du soleil lorsqu’il culmine et l’on a sa latitude avec la formule: L=90-h+D ou h est la hauteur du soleil (mesurée au sextant) et D sa déclinaison (calculée à partir des éphémérides).
Au contraire, si l’on veut connaitre sa longitude sur la route des Antilles, on lit dans les éphémérides l’heure de passage du soleil au méridien de Greenwich et on détermine au sextant et à la montre, l’heure de passage du soleil au méridien de notre position. Le soleil se déplaçant de 15° par heure, il est aisé de connaitre sa longitude en comparant l’heure relevée avec celle lue dans les éphémérides (Pass-time).
On voit que pour connaitre sa longitude, il faut avoir une heure précise à bord. C’est pourquoi à l’époque des caravelles, les navigateurs se positionnaient très tôt en latitude pour faire route vers la destination souhaitée.
Nous nous limitons ici au principe, sans entrer dans le détail des mesures, lesquelles sont détaillées dans les petits ouvrages qui traitent du sujet. Les quelques pages du BLOC MARINE consacrées à la navigation astronomique sont une bonne approche et elles fournissent les canevas pour le calcul et les éphémérides de l’année en cours.
Pour les étoiles, le principe est le même, avec l’avantage que l’on peut faire 2 ou 3 relevés quasi simultanément (sur des étoiles judicieusement choisies pour avoir des droites qui se croisent), mais avec l’inconvénient que la nuit, il fait nuit et que l’horizon est peu visible. Généralement, on fait les mesures à l’aube, quand on a eu le temps d’identifier les étoiles durant la nuit et que l’horizon apparaît. Le principe de calcul est le même que pour le soleil, on calcule l’angle horaire du point vernal, auquel on ajoute l’ascension verse (complément à 360° vers l’Ouest de l’ascension droite) de l’étoile
Pour identifier et se familiariser avec les étoiles, on peut utiliser une carte du ciel ou, si l’on possède un ordinateur, télécharger le planisphère de NAVASTRO (qui se limite aux étoiles utiles en navigation) ou celui du site STELLARIUM qui présente une vue exhaustive de la voûte céleste.
Le soleil et les étoiles dites fixes sont suffisamment nombreuses pour que l’on s’abstienne de s’occuper de la Lune et des planètes errantes qui ont des mouvements plus complexes.
Lors d’une traversée océanique, comme il ne se passe généralement pas grand-chose, la navigation astronomique est une façon de passer agréablement le temps. Avec un peu d’entrainement, le calcul de la position est l’affaire d’une petite demie-heure et ne requiert aucune connaissance en mathématiques. En choisissant de voyager sur un voilier, on tente d’accéder à une certaine autonomie et la navigation astronomique participe de cette démarche.
ici navire peackoc : vous souhaite le bon point ! pour ma part ma hauteur calculeé est toujours aussi délicate car certain passe par la Dz avant la hc j utilise méthode Marc de St hilaire qui nécessite juste les éphémérides il parait que la méridienne est bien plus simple Moitessier était silencieux sur ces observations au long court comme Tabarly….quand aux étoiles le mystere est affaire d un grand savoir faire car beaucoup s ‘épuisent au peu de sommeil sacadé par le repérage j’ admire votre choix et bonne navigation
Merci pour votre commentaire. En effet, les positions à la méridienne sont plus simples à calculer car pour la longitude, il suffit de connaitre l’heure de passage du soleil au méridien de Greenwich par les éphémérides et de déterminer, au sextant et à la montre, l’heure de son passage au méridien de notre position. Théoriquement c’est simple, mais comme la hauteur varie peu au moment de la méridienne, il faut moyenner les relevés horaires avant et après celle-ci pour trouver l’heure de passage (et bien sûr, on se déplace entre les 2 observations). Pour la latitude, c’est plus simple, pas de montre, il suffit de suivre l’ascension du soleil pour connaitre sa hauteur maximale (stable durant 1 à 2 minutes) et d’appliquer la formule: L=90-h+D.
J’ai un peu tardé à vous répondre car nous étions en transat vers les Açores.
Bonjour,
J’ai navigué au long cours au temps où l’on se positionnait encore à l’aide de la navigation astronomique.
J’étais officier radio, mais afin de ne pas me dire que je naviguais comme une valise, je me suis mis à utiliser le sextant en dehors de mes quarts et essayer de concurrencer les lieutenants.
Je n’étais pas mauvais en observation, mais par manque de pratique, je mettais beaucoup de temps pour calculer mes droites.
Merci de votre article, ça m’a rappelé qq souvenirs teintés de nostalgie.
Henri Mottier.
Bonjour,
Ravi que mon modeste article ait pu vous rappeler de bons souvenirs
Marc